She is alive.

D’abord il n’y avait pas cru. Combien de matins tissés de l’espoir vain de la voir émerger des sentiers secrets de la vallée d’Imladris lors de sa convalescence, combien de fois est-elle venue marcher dans ses rêves depuis le début de son nouveau combat, ce doux sourire au coin des lèvres -- you didn’t think I would leave you alone, did you ? Ce sourire qui aurait su panser toutes ses blessures, tous ces maux en dedans qui n’ont jamais cessé de s’agrandir à chaque réalisation qu’elle n’était plus là. Il avait commencé à se faire à l’idée que ces quelques secondes d’éternité entre le réveil et la conscience étaient tout ce qu’il méritait, avant que son monde ne redevienne dénué de sa douceur, qu’Andreth retourne se fondre dans les ombres de Círbann Gath, avec tous les autres fantômes de ses amis perdus, compagnons silencieux de cette culpabilité toujours pesante sur le myocarde éternellement endeuillé. Il n’y avait pas cru. Son monde s’était asséché de miracles. Pourtant, il était réveillé, ses pieds résolument planté dans le sol et la voix qui s’adressait à lui ne vivait pas que dans sa caboche.

Where ?
- Edoras.  

Mer interminable de verdure et de collines, le Riddermark ne lui a jamais semblé si grand, les jours si longs. À bride abattue, abandonnant la prudence, il file à travers les plaines, lui et quelques rôdeurs, course sans répit à travers le Ouestfold pour retrouver celle que la Mort leur a rendue. Ses opales s’accrochent à l’horizon, brûlants d’impatience, il sait ce qui doit apparaître sur la lisière du monde à tout moment maintenant, le coeur battant à tout rompre dans sa cage d’os et de chair, soudainement trop étroite, presque incapable de contenir l’énormité de la nouvelle, encore incapable d’y croire vraiment. Puis enfin se dessine la silhouette d’Edoras, le mont scintillant dans la lumière de l’aube qui n’est plus qu’à quelques heures de chevauchée.

- Andreth. Le nom sur ses lèvres soufflé comme une prière, audible seulement par lui et le messager à ses côtés, cavalier dont il cherche un instant le regard, comme pour s’assurer qu’il la voit, lui aussi. Un bref signe de tête et il bondit de son cheval, gravit les marches deux par deux jusqu’à ce qu’enfin il se retrouve face à elle, à un pas de l’amie qu’il connaît sans vraiment la reconnaître, usée par des années d’une torture dont il ne peut même pas imaginer la douleur. La courbe de ses joues n’est plus tout à fait la même. Il y a un quelque chose dans son regard qu’il ne discerne pas. Combien de fois a-t-elle perdu espoir ? Combien de fois s’est-elle demandé s’il allait venir la chercher ? Le rôdeur sent ses genoux trembler. Il esquisse un pas dans sa direction puis se retient. Et si elle lui en voulait autant qu’il s’en veut ? Les mots restent coincés dans sa gorge. Il y a tellement de choses qu’il voudrait lui dire. Finalement son impatience et son besoin de s’assurer qu’elle existe vraiment prennent le dessus, et il la prend dans ses bras, tout contre lui, même s’il craint de la blesser, de la briser, s’il la serre autant qu’il le veut vraiment, après tout ce temps, tous ces songes à converser avec son spectre, toutes ces nuits à se promettre de ne rien oublier.